A la rencontre de Jérôme Isambert
PO, à la rescousse des crapauds de la Vallée de Villé. Vous les avez peut-être remarqués sur le bord de la route - à hauteur de Thanvillé, Saint-Pierre-Bois ou encore au Col de Steige- ces grillages qui longent la route accompagnés d'un panneau de signalisation routière indiquant "migration de batraciens". Ces petits aménagements sont réalisés et mis en place par la LPO sous la gouverne de Jérôme Isambert que nous rencontrons aujourd'hui pour devenir incollable sur le sujet.
-Bonjour Jérôme,
Est-ce que tu peux te présenter ?
Je suis originaire d’Eure et Loire, après des études en Bretagne, j’ai travaillé une dizaine d’année en Haute-Savoie sur la réintroduction du Gypaète barbu ou j’ai rencontré un ami qui travaillait à la LPO Alsace et qui cherchait une personne pour effectuer des missions ponctuelles sur les amphibiens en Alsace. Depuis cela fait 14 ans que je travaille « saisonnièrement » à la LPO et 10 ans que j’habite la vallée.
-La LPO c’est quoi exactement?
La ligue pour la protection des oiseaux est une association de protection de l’environnement française fondée en 1912, l’association locale Alsace (LPO Alsace) a pour objet d’agir pour l’oiseau, la faune sauvage, la nature et l’homme, et lutter contre le déclin de la biodiversité, par la connaissance, la protection, l’éducation et la mobilisation. Son siège est à Strasbourg et bientôt à Rosenwiller.
-Pourquoi une organisation dédiée à la protection des oiseaux se charge-t-elle de la sécurité des crapauds?
Pour la 24ième année consécutive, la LPO Alsace a été chargée par le Conseil Départementale du Bas-Rhin de coordonner les opérations de sauvetage des amphibiens lors des migrations nuptiales pour l’ensemble du département. A l’époque le Conseil Départementale cherchait une association pouvant réaliser ce travail et seul la LPO avait un réseaux de bénévoles suffisamment important sur lequel elle pouvait s’appuyer pour effectuer cette mission.
-Je ne savais pas qu’il y avait autant de mesures prises pour sauver ces batraciens.
Est-ce que nous sommes en présence d’une espèce en voie de disparition?
Oui, toutes les espèces d’amphibiens sont protégées et sont toutes en voie de disparition à plus ou moins grande échelle. Les écrasements par les véhicules automobiles affectent directement la démographie de nombreuses espèces.Peu d’études et de suivis évaluent précisément les conséquences, à long terme, sur la dynamique des populations même s’il est très probable qu’elles contribuent fortement, en certains lieux, à leur extinction. Un trafic de 10 véhicules à l’heure entraînerait la mort de 30 % des crapauds communs adultes en migration tandis qu’entre 24 et 40 voitures par heure, 50 % des Crapauds communs seraient éliminés et 90 % avec 60 véhicules / heure. »
-Peux-tu nous expliquer le dispositif mis en place et le rôle de l’être humain dans cette action?
Des filets sont disposés le long de la route lors de la migration des amphibiens qui vont se reproduire chaque année sur le même site. Le dispositif de protection doit être posé impérativement avant le début de la migration prénuptiale, et déposé à la fin de celle-ci. Les filets empêchent les amphibiens d’accéder à la route et les seaux jouent le rôle de collecteurs. Ces derniers doivent être contrôlés une à deux fois par jour et les amphibiens récoltés sont acheminés directement par des bénévoles au lieu de ponte situé de l’autre côté de la chaussée. Cette méthode permet d’intervenir sur la plupart des sites et ne nécessite pas un investissement matériel trop important. Elle demande en contrepartie une forte mobilisation humaine durant 6 à 8 semaines.
Chaque personne effectuant le ramassage est titulaire d’une carte de ramasseur réalisée par le Conseil Départemental du Bas-Rhin permettant d’identifier les différentes personnes intervenant sur les routes départementales et limitant aussi le risque de braconnage.
-Ca fait quelques années que tu fais ça, quelle est l’évolution de la population de crapauds dans notre vallée et en Alsace en général ?
Cela fait 14 ans que j’effectue le ramassage sur le col de Steige et 24 ans que le dispositif existe sur ce site. En moyenne ce sont 3900 amphibiens qui sont sauvés. Dans la vallée deux autres sites sont en place, le premier à Saint-Pierre-bois depuis 2008 avec en moyenne 340 amphibiens sauvés, et le second à Thanvillé depuis 2016, avec en moyenne 100 amphibiens sauvés. Sur les deux derniers sites nous récoltons de plus en plus d’animaux. Sur le col de steige nous observons une baisse depuis 2015
En Alsace l’évolution et à la hausse car nous équipons de plus en plus de sites d’année en année. En 2019, 42 sites sur le Bas-Rhin étaient équipésce qui représente
50 695 animaux sauvés de l’écrasement.
-Tu m’as permis de venir vivre l’expérience de « ramasseur » de crapauds …….. Je n’en ai pas vu un seul!!!
Est-ce que tu sais pourquoi la saison de reproduction change et tarde à commencer?
Les saisons de reproduction sont de plus en plus difficiles à appréhender, cela est du au changement climatique. Une saison « normale » sur le Col de Steige par exemple, débute au moi de Mars jusqu’à mi-Avril. Les amphibiens sortent d’hivernation et vont se reproduire tout de suite après. Le signale pour eux sont les températures qui se stabilisent autour des 5° minimum. Cela fait maintenant plusieurs années que les hivers n’existent plus en tant qu’ »hiver ». Cette année par exemple nous avons constaté un début de migration début Février car les températures étaient très douces, puis un retour du froid, puis des températures douces, etc…
–Le Col de Steige – la vallée de Villé de manière générale – est-il un endroit propice à la reproduction des crapauds.
Peux-tu nous expliquer pourquoi et nous dire quelles sont les bonnes et les moins bonnes choses présentes sur le terrain.
Tous les point d’eau sont de manière générale propices à la reproduction des amphibiens qui ont des besoins très différents en fonction des espèces, donc plus il y a de diversité dans les points d’eau plus il y aura d’espèces, la vallée et donc assez propice à la reproduction. Cependant la disparition des zones humides de manière générale sur le territoire fait peser sur les amphibiens une grande menace. Viens s’ajouter à cela une qualité des eaux en baisse, l’apparition de maladie du aux NAC (nouveau animaux de compagnie) et surtout un développement du réseau routier de plus en plus important contribuant à la destruction de leur habitat et ainsi à leur disparition.
-Je crois savoir que tu es souvent à la recherche de bénévoles pour venir t’aider à faire traverser les crapauds d’un côté à l’autre de la route.
Peux-tu nous dire quel est le profil du bon ramasseur de crapauds?
En effet nous sommes toujours à la recherche de bénévoles, sans eux nous ne pouvons pas agir.
Si nous pouvons parler de « bon profil » pour être bénévole il faut simplement être un peut sensible à la protection de l’environnement et être motivé sur la durée. Car comme évoqué plus haut, les périodes de migration étant de plus en plus longues du aux changements climatiques, les campagnes se prolongent donc. Une fois le dispositif mis en place il faut passer tous les matins pendant 1 à 2 mois avec des matinées ingrates ou il n’y aura pas d’amphibien, comme tu as pu le constater, et d’autres matinées avec des centaines d’amphibiens, ce qui entrainera une disponibilité plus longue sur le site pour le ramasseur.
-Qui nos lecteurs peuvent-ils contacter s’ils souhaitent t’apporter leur aide?
LPO Alsace – 8 rue Adèle Riton 67000 Strasbourg – 03 88 22 07 35 ou jerome.isambert@lpo.fr
-Faut-il aménager des marres dans nos jardins pour accueillir et aider les crapauds à se reproduire?
C’est toujours intéressant de recréer chez soit une « zone humide », cependant il faut s’assurer d’une alimentation en haut constante ainsi qu’une pente douce autour de la mare afin d’éviter que celle-ci devienne un piège.
-Quels sont les ennemis des crapauds?
Nous ne pouvons pas parler d’ennemis si nous entendons par cela les prédateurs des Amphibiens. Ils font partie de la chaine alimentaire et peuvent donc être consommés à différents stades de leur vie. Les oeufs peuvent être mangés par les tritons, les tétards par les poissons et larves de libellules, les adultes par différents oiseaux (chouettes, hérons, etc..) et mammifères (Putois, Blaireau, …).
-Un p’tit mot pour la fin?
Le seul véritable ennemi reste l’homme.
Merci beaucoup Jérôme.
L’opération est cette année suspendue pour les bénévoles en raison de l’épidémie de covid-19. Jérôme se charge seul de la surveillance des sites.
Cette opération de protection est reconduite d’année en année, pour cela n’hésitez pas à contacter Jérôme si vous avez vous aussi d’aider les crapauds à rejoindre leur marre sans encombre.
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